La représentation logique

La représentation logique


A la suite de ces remarques, qui orientent plus le dictionnaire vers une poétique du corps et de la maladie ou de la santé que vers une déconstruction logique de sa nature biologique, quatorze tableaux -- plus exactement des listes -- retracent donc les constellations lexicales s'organisant autour des termes clefs isolés par le lexicographe :

Corps [tête, visage, œil, nez, bouche, oreille, cheveu, poil]
Membre [organe, cou, épaule, bras, main, cœur, poitrine, ventre, jambe, pied]
Os [dent]
Chair [peau, nerf, muscle]
Sang [humeur, lait, larme, sueur]
Vie [sexe, âge]
Santé [infirmité, force, dextérité]
Physique
Souffle [pouls, sommeil]
Croissance [manger, boire]
Marche [aller, venir, suivre, courir, bouger, attitude]
Travail [tenir, jeter, battre]
Maladie [migraine, carie, tumeur, blessure, lèpre, névralgie, rhumatisme, anévrisme, inflammation, fluxion, fièvre, peste]
Remède [topique, potion, tonique]

On aura reconnu dans ces listes les " têtes " de chapitres principales des Considérations philosophiques de Blanc, dont on a pu voir à l'instant qu'elles étaient essentiellement beaucoup plus morales ou moralisatrices, au sens classique et péjoratif du terme, que véritablement logiques. Le détail du contenu de ces listes confirme indéniablement la propension du Dictionnaire logique à devenir malgré qu'il en ait, et contre la volonté explicite de son auteur, un dictionnaire analogique, fonctionnant sur le mode des associations de signifiés. Et c'est probablement là qu'il convient de replacer le travail d'Élie Blanc dans l'évolution de la lexicographie de la seconde moitié du XIXe siècle français, qui fait apparaître en amont des textes précurseurs, entre autres, comme je le rappelais plus haut :


1859 - Robertson, Th, Manuel des Gens de Lettres ou Dictionnaire idéologique. Recueil des mots des phrases des idiotismes et des proverbes de la langue française classée selon l'ordre des idées, in 8°

et

1862 - Boissière, P. , Dictionnaire analogique de la langue française, répertoire complet des mots par les idées et des idées par les mots. Paris, Larousse et Boyer Gd. in 8°. 1862, xi - iv, 1439 et 32 p.

et en aval les grands travaux du dictionnaire généraliste de Hatzfeld, Darmesteter & Thomas [1890-1900]. Le premier de ces ouvrages constitue -- on l'a vu -- une adaptation du Dictionnaire de Roget [1852]. Robertson souligne d'ailleurs dans sa préface que le lexicographe anglais a réalisé " pour le langage ce que Lavoisier a fait pour la chimie, ce que Linné et Jussieu ont fait pour la botanique ". Le dictionnaire peut prétendre dans ces conditions à devenir " un répertoire méthodique et raisonné comme les nomenclatures si heureusement créées pour les sciences naturelles ". D'où l'idée qu'une bonne nomenclature des idées est envisageable sur le modèle d'une bonne nomenclature des faits…


Mais Robertson laisse de côté les considérations méthodologiques sur le mot, le concept ou la signification qui lui auraient permis d'asseoir son entreprise sur une base proprement linguistique. Car son objectif prioritaire est de proposer aux écrivains des listes pratiques de formes d'expression susceptibles d'élargir le champ de l'imagination créatrice. Roget, pour sa part, n'avait pas été aussi insouciant du substrat langagier lorsqu'il insistait sur la nature symbolique des signes classés :

" Ce n'est que par de semblables analyses [= la classification des idées à la base de la structuration du lexique] que nous pourrons arriver à la perception claire des rapports qui existent entre ces symboles et les idées correspondantes ; ce n'est qu'avec leur aide que nous pourrons parvenir à la véritable connaissance des éléments qui entrent dans la formation des idées composées, et des éliminations au moyen desquelles nous arrivons aux abstractions, si fréquentes dans les actes du raisonnement et dans la communication de nos pensées " [Introd. p. xii]…


A l'heure où un Bréal [1832-1915] constitue en France les fondements de cette science nouvelle qui a nom Sémantique, et avant que Saussure ne formule la dichotomie dialectique des formes du signifiant et du signifié du signe, il n'est pas sans intérêt de percevoir la manière dont les lexicographes travaillent les aspects que les linguistes nomment désormais onomasiologique et sémasiologique du lexique.

Le premier aspect s'attache à la manière dont -- pour l'émetteur d'un message -- du sens est coulé à l'intérieur d'un item lexical morphologiquement stabilisé ; le second, quant à lui, concerne -- du point de vue du récepteur du message -- les procédures d'extraction du sens déposé dans cet item, lesquelles ne peuvent que s'appuyer sur les conditions syntaxiques de l'occurrence de cette forme. C'est bien dans ce cadre que se plaçait déjà Boissière lorsqu'il écrivait en 1862 :

" Les dictionnaires devraient se prêter à toutes les recherches que l'on peut avoir à faire sur les mots, et comme il y a dans les mots deux choses essentiellement différentes, la forme et la signification, un dictionnaire, pour être complet, devrait se diviser en deux parties distinctes dont l'une pût servir à trouver la signification, et l'autre à trouver la forme. La première de ces parties a été faite mille fois ; c'est le dictionnaire de l'Académie, c'est celui de Boiste, de Laveaux, de Bescherelle et de beaucoup d'autres. Mais l'autre partie n'a jamais été faite, et pourtant elle n'est pas moins indispensable que la première, car il importe autant pour le moins de pouvoir exprimer toutes ses pensées que de pouvoir comprendre toutes les pensées exprimées par les autres " [Préface, p. 2]


Mais on sait aussi que -- pour avoir fondé son entreprise sur cette ambition -- Boissière n'en avait pas moins failli lui aussi en raison des a priori philosophiques de sa conception. Ayant effectivement décidé de ne tenir aucun compte des quatre types de classement que Barré avait exposés en tête du Complément du Dictionnaire de l'Académie française, publié en 1842 :


l'ordre alphabétique,


celui des catégories grammaticales,


l'ordre philosophique ou classement méthodique en fonction de la génération des idées,


et enfin l'ordre étymologique ou classement génétique des sens,


il ne restait plus à Boissière qu'à exposer des vues abstraites sur les possibilités d'avènement d'une langue " philosophique ", c'est-à-dire désambiguïsée, univoque, " logique " au sens où ce terme renvoie à une construction de la pensée totalement explicite et articulée par des règles permettant d'en construire le contenu, et d'en calculer la valeur :
" Peut-être un jour l'esprit humain arrivera-t-il à les faire marcher d'accord [ces quatre ordres de classement] et à se créer en même temps un système rationnel d'écriture et de transcription : les trois méthodes lexicologiques réunies constitueraient alors une langue philosophique digne de devenir universelle ; cette création, qui a été l'objet de tant d'efforts peut-être mal combinés, à cause de leur isolement nécessaire, paraît être réservée à un état supérieur de l'humanité "


On conçoit que ces spéculations se soient peu à peu fort éloignées des réalités pratiques que le lexicographe devait affronter. Et, si l'on compare à ce que Blanc notait près de vingt ans plus tard dans sa propre Préface, on peut alors comprendre pourquoi le Dictionnaire logique constitue une réponse au Dictionnaire analogique :

" S'il est vrai que les mots appellent les idées et que les idées expriment les choses, il faut bien accorder qu'il y a possibilité d'ordonner les mots du dictionnaire selon le plan même des choses qu'ils sont destinés à exprimer " [p. 13]


Faisant l'économie du " symbole ", et concédant aux mots une capacité d'expression soumise à un déterminisme fondé en religion, Blanc enferme le débat dans les strictes limites de la lexicologie, et en limite ipso facto la portée théorique à n'être qu'une recherche formelle d'organisation ou de classement morphologique. D'où l'allure immédiatement prise par les tableaux qui répètent inlassablement les séries du nom, de l'adjectif, de l'adverbe et du verbe, en une éternelle circularité qui permet aux éléments retenus de balancer perpétuellement entre les deux pôles nominal et verbal de la langue.


Blanc ne voulait certainement pas, comme il l'affirme à de multiples reprises dans son ouvrage, remettre ses pas dans ceux de Boissière... Et pourtant, relisons un instant ce que ce dernier écrivait dans le prospectus du Dictionnaire analogique : Appel pour la réforme du Dictionnaire, Paris, 1860 :

" [Deux choses manquent aux dictionnaires ordinaires du XIXe siècle] On y trouve bien la signification des mots : mais quand on a le souvenir, l'idée plus ou moins précise d'une de ces choses que l'on ne voit pas tous les jours et dont le nom nous échappe souvent, il est à peu près impossible d'y trouver ce nom. Vous ignorez peut-être comment les médecins désignent l'état d'insensibilité temporaire que produit le chloroforme, par quel adjectif ils distinguent les maladies qui sont le résultat d'une blessure, quel nom les alchimistes donnaient à l'or, à l'argent, au plomb, etc. ? Prenez le dictionnaire le plus complet, celui de Napoléon Landais ou de Bescherelle, par exemple ; le mot qui vous manque est là, vous n'en pouvez douter, mais à quoi vous mène cette certitude ? Vous possédez le plus riche des trésors, mais il est fermé, et vous n'en avez pas la clef, c'est comme si vous ne possédiez rien.


Celui qui veut étudier une langue devrait toujours commencer par en étudier les mots, qui sont le corps même de cette langue ; l'étude des principes grammaticaux, qui en sont l'esprit, ne devrait venir qu'à la suite, puisque ces principes ne servent en réalité qu'à régler l'emploi des mots. Or le dictionnaire est le seul livre où l'on trouve réunis tous les mots de la langue, toutes ses richesses matérielles ; il faudrait donc qu'il fût un bon livre d'étude. Mais l'effroyable confusion produite par l'ordre alphabétique se prête si mal à l'étude que la plupart des professeurs négligent complètement d'enseigner les mots à leurs élèves, et le hasard seul reste chargé de cette partie la plus importante de leur tâche " [p. 2, B.N. X 5784]


Boissière militait fortement en faveur d'un classement sémantique des sens dont la linguistique à venir allait au reste abondamment théoriser les modes : soit le classement proprement méthodique, soit le classement synonymique, soit le classement analogique, soit le classement idéologique.


Le classement méthodique ou par centre d'intérêts procède d'une longue tradition, que l'on peut faire remonter jusqu'aux premiers vocabulaires médiévaux. Le classement synonymique, quant à lui, n'a pas donné originellement naissance à des dictionnaires en tant que tels, mais plutôt à des collections de remarques différentielles et distinctives entre paires ou couples de termes. Et c'est dans ce classement des synonymes qu'est apparu pour la première fois l'intérêt de l'ordre logique permettant de suivre rationnellement une distribution à partir d'un terme générique : défendre, prohiber, interdire, par exemple. L'ordre analogique, quant à lui, semble s'être imposé pour discriminer avec rigueur et finesse sur les seuls aspects sémantiques de termes empiriquement corrélés : abandon, abattement, etc. L'ordre idéologique, envisagé par Rivarol [1797], approuvé par Nodier [1834] et spécifié en classement mnémonique par Léger Noël en 1847, tend enfin à reconstituer un ordre et " n'est qu'une simple application du système de l'univers où tout s'attire, se lie, se tient ; où rien n'est isolé. Chaque mot […] est un rayon qui conduit à un centre, lequel rayonne lui-même sur tout un monde, qui s'ouvre à son tour sur une suite de mondes infinis. Les mots s'appelant ainsi les uns les autres, il n'est rien qu'on ne puisse alors découvrir et pénétrer " [Prospectus du Dictionnaire mnémonique, 1847, pp. 2-3]. Replacée ainsi dans le contexte lexicographique du XIXe siècle l'entreprise d'Élie Blanc peut trouver à nos yeux sa juste valeur scientifique, même si cette science peut paraître aujourd'hui fausse à nos yeux.


Les remarques que j'ai formulées ici veulent souligner qu'il ne s'agit aucunement dans l'esprit du lexicographe d'une fausse science. Blanc s'engage dans sa construction avec la foi du chanoine qu'il est, et les certitudes du philosophes et du philologue qu'il est également. A l'étude, il apparaît que l'objectif de Blanc était peut-être moins épistémologiquement fondé en raison et logique qu'il en donnait les apparences au premier abord. En effet, derrière l'évocation d'une certaine solidarité des parties constituantes du tout de l'univers, la métaphore corporelle largement utilisée dans tout son dictionnaire, ne réussit pas toujours à masquer les effets négatifs d'une nosologie essentielle du langage, lointaine héritière dans l'esprit de Blanc de la déchéance induite par le péché originel, dont les relations sémantiques mettent à l'évidence en langue les aspects pathologiques et dont la grammaire, au-delà des mots, voudrait être en discours le remède. Mais, précisément, là où les listes du dictionnaire s'arrêtent, en-deçà de la seconde métaphore, celle du Livre. Sur le seuil de la scène qui recréerait les conditions du traumatisme de Babel, en redonnant à l'homme le pouvoir de reconstruire et recréer le monde par et dans son langage, à l'instar du nomothète divin qui -- jadis, avant la chute de la créature --avait généreusement délégué en confiance à celle-ci la virtuelle puissance de l'égaler.




Dans un dernier rebond de cette double métaphore " corporéifiante " et livresque, et pour conclure, je voudrais faire intervenir maintenant le grand démystificateur des mots et des choses, contemporain pour partie de Blanc, qu'était Flaubert. Celui-ci, comme on le sait, a écrit du corps dans le Dictionnaire des Idées reçues : " Si nous savions comment notre corps est fait, nous n'oserions pas faire un mouvement "... Tant il est vrai que, dans cet univers, les beautés ou les merveilles de la création ne peuvent résulter que de l'incapacité à saisir la plus simple réalité, celle sur laquelle tout le monde s'accorde lorsque les discours affirment que :


transpirer des pieds est un signe de santé,


avoir l'haleine forte donne l'air distingué,


le cauchemar vient de l'estomac,


comme le délire de la poésie,


il ne faut pas confondre -- Ô Lolita de 1998! -- hystérie et nymphomanie,


le Génie est une névrose,


la syphilis, plus ou moins tout le monde en est affecté,


l'orchite est une maladie de Monsieur,


le soupir doit être exhalé auprès des dames,


la rate était autrefois enlevée aux coureurs,


la jouissance enfin est un mot obscène


Ce qui n'est évidemment pas tirer le corps vers une représentation flatteuse et faire de lui un signe généreux de l'intelligente bonté de Dieu!... Ce qui n'est pas non plus restituer au signe sa fonction sémiologique d'arbitraire symbolique. Un corps privé d'âme n'est que matière périssable et méprisable. De même que la pensée du langage ne saurait être privée du support consubstantiel de ce dernier. Oserais-je donc dire que -- dans ces conditions -- si Élie Blanc avait eu totalement conscience, et une très claire conscience, du pari impossible qu'il engageait sur les rapports de la pensée et du langage, il se fût probablement abstenu de composer un dictionnaire logique, qui, pour se démarquer de ses contemporains, avait délibérément choisi de faire passer la réalité du langage et les faits de la langue française de la seconde moitié du XIXe siècle à travers les étamines idéologiques d'une conception théologique de la parole et du monde? Selon une vue finalement téléologique…

Ce faisant le propos du lexicographe, qui n'était à l'origine :

ni généalogique,


ni archéologique,


ni étymologique,


ni axiologique,


ni même fondamentalement illogique, dans une réflexion entièrement dominée par des investissements personnels d'ordre idéologique et quasi-passionnels;


ce discours qui affichait pourtant une ambition nettement :


phraséologique,


phénoménologique même,


voire étiologique ;


ce propos pédagogique de taxinomiste exaspéré s'est vite trouvé devoir :


assumer des positions méthodologiques tautologiques,


et épouser un dessein eschatologique paralogique,


si ce n'est évidemment tératologique dans la démarche alogique


conduisant à suggérer au lecteur que -- corps et âme unis -- les dérives pathologiques du langage


sont amendables par un constant recours anagogique


à la puissance déontologique des nouvelles formes de la mythologie moderne...


En quoi le Dictionnaire logique de Blanc, au nom d'une certaine représentation du monde, et sous couvert d'un dessein généreusement tourné vers la maîtrise de la parole, s'avère définitivement être :

une oblique simplification des complexités de la sémantique alors naissante,


une rigoureuse application des raideurs de l'orthologie esthético-morale la plus classiquement bourgeoise,


et un authentique déni des valeurs de la philologie comparée à l'instant même où cette discipline s'affiche en impératrice de la connaissance dans le cercle des penseurs qui ont su s'affranchir des tutelles des religions.


La condamnation peut paraître sévère pour un ouvrage qui se veut de linguistique et de philosophie. Retournons-en donc les termes, et adoucissons-la, en considérant que cet ouvrage -- dégrevé de ses prétentions épistémiques -- aurait pu constituer à l'heure de Mallarmé une poétique mystique du langage et l'incarnation pure des vertus du logos revisité par le mythe. On se rappellera en effet qu'au même instant où le lexicographe lyonnais ambitionnait de procéder au recensement des unités constituant le grand livre du monde, le poète écrivait à Verlaine :
" A part les morceaux de prose et les vers de ma jeunesse et la suite, qui y faisait écho, publiée un peu partout, chaque fois que paraissaient les premiers numéros d'une Revue Littéraire, j'ai toujours rêvé et tenté autre chose, avec une patience d'alchimiste, prêt à y sacrifier toute vanité et toute satisfaction, comme on brûlait jadis son mobilier et les poutres de son toit, pour alimenter le fourneau du Grand Œuvre. Quoi? c'est difficile à dire : un livre. tout bonnement, en maints tomes, un livre qui soit un livre, architectural et prémédité, et non un recueil des inspirations de hasard fussent-elles merveilleuses [...]. J'irai plus loin, je dirai : le Livre, persuadé qu'au fond il n'y en a qu'un, tenté à son insu par quiconque a écrit, même les Génies. L'explication orphique de la Terre, qui est le seul devoir du poète et le jeu littéraire par excellence ; car le rythme même du livre, alors impersonnel et vivant, jusque dans sa parution, se juxtapose aux équations de ce rêve, ou Ode.


Voilà l'aveu de mon vice, mis à nu, cher ami, que mille fois j'ai rejeté, l'esprit meurtri ou las, mais cela me possède et je réussirai peut-être ; non pas à faire cet ouvrage dans son ensemble (il faudrait être je ne sais qui pour cela!) mais à en montrer un fragment d'exécuté, à en faire scintiller par une place l'authenticité glorieuse, en indiquant le reste tout entier auquel ne suffit pas une vie. Prouver par les portions faites que ce livre existe, et que j'ai connu ce que je n'aurai pu accomplir " [16 novembre 1885].

En quoi, autour de 1880, il était possible de viser par des voies différentes une métaphysique du langage. Là où le lexicographe, croyant suivre la voie logique, admettait la subordination à un ordre externe de croyance et de valeurs qui distingue et hiérarchise les choses en discriminant entre les vocables qui les désignent, le poète, choisissant de faire advenir la voix poétique du langage , faisait de ce dernier l'instrument par excellence de la transposition, réconciliant l'Absolu et la Matière, l'âme et le corps, le signifié et le signifiant d'un signe jamais prisonnier des paradigmes carcéraux du dictionnaire, et toujours soumis aux vibrations de la parole libre réfléchie par le livre.